top of page

Les secrets de la COLONNE VENDÔME

lithographie coloriée colonne Vendôme
Lithographie coloriée à la main de Louis-Julien Jacottet, Paris. 1806-1880 - Wikimedia Commons

Je vous propose de lever les yeux et de vous immerger dans le destin mouvementé et majestueux de cette célèbre colonne, qui domine l’une des places les plus emblématiques de la capitale.






Si l’on ne devait retenir qu’une place emblématique de Paris, je crois que je citerais sans hésiter la place Vendôme. Elle est fascinante, et si élégante à la française.


Au centre, la colonne Vendôme se dresse, majestueuse et pleine de caractère. Témoin de l’Histoire, mais aussi de moments forts de mon parcours personnel et professionnel, elle m’a donné envie de l’étudier en détail et de vous raconter son histoire : celle d’un monument qui a traversé les siècles, témoignant du génie de ses concepteurs tout en continuant de captiver ceux qui, comme moi, aiment l’architecture, le détail et la mémoire des lieux.


Et peut-être, un jour, aurai-je la joie de la dessiner pour l’une des magnifiques maisons qui bordent cette place unique !



Origine et Inspiration



AVANT LA COLONNE

La naissance d'un décor royal


Avant même qu’elle ne devienne l’une des places les plus emblématiques de Paris, le site abritait l’hôtel particulier du duc de Vendôme, fils d’Henri IV et de Gabrielle d’Estrées. Cet hôtel sera démoli à la fin du XVIIᵉ siècle pour laisser place à un projet d’envergure imaginé par Louis XIV.

Gravure place de Vendôme ou de Louis le Grand Paris
Tiré du plan de Turgot (1736) Wikimedia Commons

En 1685, le Roi Soleil décide d’y faire aménager une grande place royale à son image : la place Louis-le-Grand. Il confie le projet à Jules Hardouin-Mansart, son architecte favori, qui conçoit un ensemble d’une rigueur et d’une harmonie parfaites, rythmé de façades symétriques et majestueuses.


Autour du carré central, on devait trouver l’hôtel des Monnaies, l’hôtel des Académies, la Bibliothèque royale ou encore l’hôtel des Ambassadeurs extraordinaires. Mais le manque de moyens conduit à revoir le projet : seules les façades seront construites, véritables décors classiques derrière lesquels de riches particuliers bâtiront leurs hôtels particuliers.


Au centre de la place, trônait une statue équestre monumentale de Louis XIV, sculptée par François Girardon, un manifeste de pouvoir avant l’heure. Ce n’est qu’un siècle plus tard qu’une autre verticalité viendra occuper la place : celle d’une colonne impériale, érigée par Napoléon pour glorifier ses victoires.


elevation perspective place Louis le Grand
Elévation-perspective de la place Louis le Grand - dessin Robert de Cotte - Wikimedia Commons
Estampe statue équestre Louis XIV place Louis le Grand
Inauguration de la Statue équestre de Louis XIV sur la place Louis Le Grand. Estampe de Pierre Lepautre 1699

La place changera ensuite de nom au gré des régimes : place des Piques pendant la Révolution, puis enfin place Vendôme, en souvenir de l’ancien hôtel du duc de Vendôme. C’est ce dernier nom qui, naturellement, s’imposera et traversera les siècles.



UN DECRET, UN SYMBOLE

De Charlemagne à Napoléon


Le 1er octobre 1803, Bonaparte, alors Premier consul, signe un arrêté qui prévoyait d’élever, au centre de la place, « une colonne à l’instar de celle érigée à Rome en l’honneur de Trajan », surmontée d’une statue de Charlemagne mais le destin, comme souvent, va tourner.


En 1804, l’Empire est proclamé, et Charlemagne cède sa place : ce sera Napoléon lui-même qui dominera Paris. Le décret définitif, signé le 1er janvier 1806, lance la construction de la colonne Vendôme, monument d’orgueil impérial autant que manifeste artistique.


Colonne Trajane Rome
La colonne Trajane et le dôme de l'église du Très Saint Nom de Marie à Rome - Wikimedia Commons

Ce geste architectural, inspiré de la colonne Trajane à Rome, renoue avec l’histoire antique tout en projetant la puissance moderne : une spirale de bronze pour raconter la gloire, un mouvement d’ascension pour exalter la victoire.



  Matériaux et Iconographie



Place Vendôme 2011
Place Vendôme - photo prise en 2011 par Giorgio Galeotti - Wikimedia Commons


DU CANON AU BRONZE

Prouesse technique et récit de gloire

La colonne Vendôme n’est pas seulement un chef-d’œuvre esthétique : c’est aussi une performance technique et symbolique.


Sa structure, en bronze fondu à partir de 1 200 canons pris à l’ennemi, transforme l’arme en œuvre d’art. Ce choix de matériau raconte déjà une histoire : celle d’une victoire métamorphosée en beauté, d’une matière de guerre devenue matière de création.


Les plaques de bronze, fondues puis assemblées en spirale, forment un immense récit continu. Les bas-reliefs s’enroulent autour du fût de la colonne, dans une composition circulaire et ascendante qui traduit l’idée même de la verticalité narrative.


Photos détails de la colonne - Wikimédia Commons


Chaque détail, chaque soldat, chaque cheval, chaque drapeau sculpté raconte la gloire impériale tout en célébrant le génie des artisans fondeurs, sculpteurs et architectes, notamment Jean-Baptiste Lepère et Jacques Gondouin, à qui l’on doit la conception générale du monument.


Sur toute sa hauteur, la colonne déroule un ruban d’images de 280 mètres, un véritable film sculpté dans le métal. Les bas-reliefs retracent les campagnes napoléoniennes, de la traversée du Rhin à la victoire d’Austerlitz, comme une chronique militaire qui monte vers le ciel.


Cette spirale évoque une écriture verticale du temps : au fil de l’ascension, les batailles se succèdent, les drapeaux claquent, les silhouettes s’élancent. L’œil du spectateur est invité à grimper lui aussi, à suivre le mouvement du bronze, à s’élever dans l’histoire.


Le saviez vous ?

L'INAUGURATION AURA LIEU SANS SON HEROS


En effet l’inauguration de la colonne est fixée au 15 août 1810, jour de l’anniversaire de Napoléon Ier. Mais, ironie du destin, l’empereur n’y assistera pas ! il vient tout juste d’épouser Marie-Louise d’Autriche, fille de l’empereur vaincu à Austerlitz. Ainsi, la colonne de la victoire fut célébrée sans son héros : un épisode à la fois politique et personnel, à l’image de la complexité napoléonienne.



LA COLONNE RENFERME UN SECRET

Il s'agit d'un escalier intérieur de 176 marches ! taillé dans la masse de pierre et de métal qui conduit jusqu’au sommet, au pied de la statue. Longtemps fermé au public pour des raisons de sécurité, cet escalier a parfois été ouvert lors de visites exceptionnelles : une ascension étroite et vertigineuse, récompensée par l’une des plus belles vues de Paris.




  Métamorphoses



TROIS NAPOLEON

Pour un sommet

Symbole de pouvoir et d’ambition, la colonne Vendôme a souvent été au cœur des tempêtes de l’Histoire.

En 1871, pendant la Commune de Paris, elle fut abattue sur ordre du peintre Gustave Courbet, qui voyait en elle l’incarnation d’un militarisme à renverser. Précipitée au sol dans un fracas de bronze et de pierre, la colonne s’effondra.. avant d’être patiemment reconstruite quelques années plus tard, redressée pierre après pierre, bas-relief après bas-relief. Une renaissance spectaculaire, comme si les symboles verticaux, eux, refusaient obstinément de plier sous le poids des idéologies.


Photos destruction 1871 et reconstruction - Wikimédia Commons


Au fil des régimes, la colonne elle-même changea de nom autant que de symbole : colonne d’Austerlitz à son origine, colonne de la Victoire sous l’Empire, colonne de la Grande Armée un temps, avant de retrouver, apaisée, son nom géographique et universel : la colonne Vendôme. Comme si la mémoire, elle aussi, s’élevait en spirale, se réécrivant sans fin au gré des vents de l’Histoire.


Au sommet, la statue de Napoléon a connu plusieurs métamorphoses.

Statue Napoléon colonne Vendôme première version
Wikimedia Commons

La première, signée Chaudet (dessin ci-contre à gauche), représentait l’empereur en César romain, drapé à l’antique, la tête ceinte de lauriers. Mais en 1814, la Restauration abolit l’Empire et Louis XVIII ordonna la fonte de la statue : le bronze servira à couler la nouvelle effigie d’Henri IV sur le Pont-Neuf.


Statue Napoléon colonne Vendôme deuxième version 1833
Wikimedia Commons

Sous Louis-Philippe, en 1833, Napoléon refit son apparition au sommet de la colonne, cette fois dans le costume du “petit caporalredingote fermée, bicorne sur la tête, main dans le gilet (dessin ci-contre à droite )  une figure plus humaine, patriote et populaire.



Napoléon III, en 1863, décide de rétablir la grandeur impériale de son oncle : il commanda au sculpteur Auguste Dumont une nouvelle statue, inspirée du modèle initial, tenant dans sa main la Victoire ailée (dessin ci-dessous)


Statue Napoléon colonne Vendôme troisième version 1863
Wikimedia Commons

Renversée avec la colonne en 1871, la statue de Dumont fut brisée lors de la chute. Lors de la restauration du monument, quelques années plus tard, elle fut reproduite à l’identique et replacée à son sommet : la réplique fidèle de l’effigie impériale originelle.


chute statue Napoléon Place Vendôme 1871
Wikimedia Commons















statue Napoléon actuelle colonne Vendôme
Statue Napoléon actuelle de la colonne Vendôme - Photo 2017 - Wikimédia Commons

Entre 2014 et 2015, la colonne Vendôme a bénéficié d’une restauration complète dirigée par Christophe Bottineau, architecte en chef des Monuments historiques, et intégralement financée par l’hôtel Ritz.


Le travail fut aussi discret que méticuleux : nettoyage sélectif, reprise des patines, rééquilibrage des nuances, restauration des ferronneries et des maçonneries… Une intervention de haute précision qui redonna au bronze son éclat nuancé, sans effacer la patine du temps.



LA COLONNE EN QUELQUES CHIFFRES


Hauteur totale : 44,17 m

Hauteur de la statue avec son socle : 3,50 m

Diamètre du fût : 3,67 m

Bronze fondu : 149 000 kg de canons autrichiens et russes

Bas-reliefs : 425 plaques, soit environ 200 000 kg de bronze

Noyau : 98 tambours de pierre de Bayeux

Escalier intérieur : 176 marches en spirale

Longueur du bas-relief déroulé : 220 mètres



  Son Ecrin



LA PLACE VENDÔME

un équilibre parfait

La place Vendôme, dessinée par Jules Hardouin-Mansart au XVIIᵉ siècle, incarne l’harmonie classique par excellence : symétrie, façades rythmées, élégance des proportions. Autour de cette géométrie ordonnée, la colonne introduit une rupture verticale — un geste audacieux, presque végétal, qui semble pousser au centre du pavé comme une tige de bronze.


Croquis aérien de Paris réalisé par l'Atelier ECARTFIXE

Croquis aérien réalisé par l'Atelier ECARTFIXE - Paris


Véritable manifeste de rigueur et de majesté, la place demeure un chef-d’œuvre de cohérence architecturale. Ses façades de pierre blonde, ses toitures d’ardoise et ses arcades régulières composent un décor presque théâtral, où chaque détail semble avoir trouvé sa juste place.


Mais au-delà de son architecture, la place Vendôme a nourri l’imaginaire du luxe parisien. Autour de son octogone parfait, bijoutiers, horlogers et maisons de couture ont élevé leurs enseignes discrètes comme autant d’hommages à la perfection — cette même verticalité symbolique : celle de l’excellence, de la maîtrise et de la lumière.


Aujourd’hui encore, vitrines raffinées, hôtels particuliers et galeries dialoguent avec elle. Ce monument historique vit pleinement son époque, dans un équilibre rare entre patrimoine et modernité.


Photo de la place Vendôme - Paris - 2011 Wikimédia Commons

À certaines heures, la lumière glisse sur la colonne et les façades, révélant des reflets dorés qui répondent aux balcons environnants : un jeu poétique entre matière et verticalité, entre passé et présent.


Au fil du temps, la place Vendôme a su inspirer les artistes les plus attentifs à la beauté parisienne. De la lumière délicate d’Édouard-Léon Cortès aux scènes élégantes de Jean Béraud, de l’œil photographique d’Eugène Atget aux harmonies contemporaines de Peter Marino ou de l’agence Jouin Manku, chacun y a trouvé un écho : celui d’une perfection architecturale, calme et mesurée, entre monumentalité et raffinement.


Peintures d'Isaac Israëls (midinettes place Vendôme), Jean Béraud et Paul de Castro - Publicité Dubos - Wikimédia Commons


CONCLUSION


La place Vendôme restera toujours pour moi un émerveillement !


Chaque fois que je la traverse, je suis frappée par l’équilibre parfait de ses lignes, la justesse de sa symétrie et la douceur de sa lumière. Une élégance rare, qui transforme le quotidien en un moment précieux et me rappelle combien j’ai de la chance d’être ici, à Paris, en France.


J’ai aussi le bonheur d’avoir l’une de mes illustrations (ci-dessous) installée dans la cour végétalisée de l’Hôtel Baudard de Saint James, aujourd’hui l’écrin des créations du joaillier Chaumet, sur un présentoir au bord du jardin.


ree

Illustration "main léger" de la cour végétalisée de l’Hôtel Baudard de Saint James par l'Atelier ECARTFIXE - Paris

C’est la première illustration que vous découvrirez en arrivant sur mon site, car elle incarne tout ce que j’aime le plus dessiner : notre patrimoine architectural historique, mêlé à la présence d’un jardin élégant et maîtrisé.



Portrait Marie Perrot Durand

Un grand merci pour votre lecture !

J'espère que vous aurez appris des choses intéressantes^^

si oui n'hésitez pas à me laisser un commentaire


Marie



bottom of page